Deux coqs dans la même basse-cour…
Vous avez sans doute un avis sur le déroulement du récent Grand Prix de Malaisie. Souvenez-vous : les deux Red Bull sont en tête, Mark Webber devant Sebastian Vettel. L’équipe demande à ses pilotes de figer les positions. Vettel accepte, avant d’attaquer et de passer Webber. Bonjour l’ambiance au sein de l’équipe à l’arrivée…
Vous comprenez peut-être le comportement de Vettel, triple Champion du Monde en titre qui estime qu’il n’a pas à se contenter d’une deuxième place. Vous soutenez peut-être Webber, qui s’est montré totalement loyal vis-à-vis de son équipe. Dans l’absolu, vous êtes certainement contre les consignes d’équipe, qui vont finalement à l’encontre du sport.
Je n’aime pas cela non plus, car ce n’est jamais juste de demander à des compétiteurs de cesser le combat. Mais c’est un mal nécessaire dans le sport professionnel, tant les enjeux et les intérêts sont importants.
Au cours de ma carrière, je n’ai pas eu beaucoup d’occasions de vivre ce genre de situation. Mais cela me rappelle un épisode de la saison 2003. Je disputais le Championnat de France Super 1600 avec le Clio Team. J’avais pour équipier Brice Tirabassi, qui avait remporté le titre 2002 avec Oreca, équipe en charge du programme Renault pour cette nouvelle saison. Tout avait bien commencé pour moi. J’avais remporté les deux premières courses, le Rallye Lyon-Charbonnières et le Terre de l’Auxerrois.
Le troisième rendez-vous était le Rallye Alsace-Vosges. Nous nous étions bagarrés avec Brice tout au long des deux premières journées. Hugues de Chaunac avait alors décidé de figer les positions pour assurer le doublé, ce que nous avions tous deux accepté. Le dimanche, j’ai eu un problème technique qui m’a fait perdre un peu de temps et Brice est passé devant. L’équipe nous a demandé de reprendre nos positions, mais mon équipier a continué à attaquer et il a gagné. Autant vous dire que, là aussi, l’ambiance était plutôt glaciale sur le podium…
D’un côté, Brice avait ‘raison’. Si je gagnais les trois premiers rallyes, il pouvait faire une croix sur le titre et il aurait dû se mettre à mon service jusqu’à la fin de la saison. Mais d’un autre côté, il aurait clairement dû exprimer son désaccord. C’est par exemple ce qu’a fait Sébastien Loeb au Rallye du Mexique 2011, quand on lui demandait de rester derrière Sébastien Ogier.
Comme je le dis souvent, ‘la parole de l’homme vaut l’homme’. J’ai toujours mis un point d’honneur à respecter mes engagements et c’est la raison pour laquelle j’ai été très mécontent après cet épisode. Une équipe de course fonctionne comme une entreprise. Il y a un patron, une hiérarchie et il faut la respecter. Mais ce n’est pas toujours facile – voir possible – pour ceux qui ont des tempéraments de ‘winners’. En s’effaçant trop longtemps, des pilotes aussi talentueux que Dani Sordo ou Rubens Barrichello sont peut-être passés à côté de grandes carrières…
Hugues de Chaunac et Gilles Lallement ont déployé des trésors de diplomatie pour tenter de recoller les morceaux entre Brice et moi, mais les tensions ne se sont jamais apaisées. Il est toujours difficile de faire cohabiter deux coqs dans la même basse-cour ! La bagarre s’est poursuivie et j’ai été titré à l’issue du Rallye du Var. Quant à Brice, il a quitté l’équipe pour relever d’autres défis. Tout aussi ambitieux et rapide, Nicolas Bernardi a pris sa place en 2004. A nouveau, nous avons dû appliquer des consignes pour assurer des bons résultats au Clio Team. Mais cette fois, tout s’est bien passé. Comme quoi, c’est possible !
Et vous, comprenez-vous qu’on puisse désobéir aux consignes ? N’hésitez pas, poursuivez la discussion en commentant ce billet sur mon site ou sur ma page Facebook. Rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle chronique !